LE RAVISSEMENT


Vous souvenez-vous du temps où vous étiez encore vierge et que vos amis parlaient d’orgasme ? Vous ne pouviez qu’imaginer ce à quoi ils faisaient allusion. Mais une fois votre première expérience faite, vous n’aviez plus aucun doute sur le fait que vous aviez eu ou non un orgasme. Il y a une trop grande différence entre en avoir et ne pas en avoir un pour en douter.

Eh bien, le même savoir se rapporte à « l’éveil ». De concert avec « la délivrance » de l’éveil survient « le ravissement ». Mais, contrairement à l’orgasme qui ne dure que quelques secondes, le ravissement dure pratiquement tout le temps. Une fois que vous savez – « JE SUIS CELA » – vous n’êtes plus jamais le même.

Je ne peux vous donner une définition précise du ravissement, mais je peux le décrire. Ce qui est éprouvé d’abord, et de façon prédominante, c’est un sentiment de liberté irrépressible. Pour moi, c’était ironique, car j’avais toujours entendu dire qu’un bonheur suprême était le principal ingrédient de l’éveil, et voilà que je me trouvais enfermé dans une prison de haute sécurité, avec miradors et fil de fer barbelé autour de moi, et tout ce que je pouvais éprouver était un sentiment de liberté. Oui, il y a aussi de la félicité, mais ce n’est pas aussi prédominant ou aussi constant que le sentiment d’être totalement libre d’entraves. Quand la béatitude vous frappe, vous êtes un ahuri dysfonctionnel le temps que cela dure, alors que le sentiment pénétrant de liberté vous permet, lui, de poursuivre une vie normale.

L’effet secondaire de la félicité est un insondable sentiment de paix abyssal, la paix dont parle la Bible et qui dépasse toute compréhension. Une part de cette paix émane du savoir qu’étant donné que Conscience est tout ce qui est, alors tout est juste et bien. C’est comme si vous étiez en chute libre à travers la vie et la condition humaine, mais que vous ayez cet immense filet de sécurité prêt à vous recueillir à la moindre crispation de peur. Là où, auparavant, je vivais dans une mer de souffrances et de conflits intérieurs, rencontrant à l’occasion un îlot de détente, la félicité me permet maintenant de vivre dans un océan de paix, avec occasionnellement un îlot de contraction momentanée. Avant l’éveil, quels qu’aient été l’aisance financière, la santé, les affaires de cœur, la puissance ou les jouets d’adultes en ma possession, il flottait en permanence une forte anxiété, le sentiment que quelque chose n’allait vraiment pas, qu’une catastrophe était surement imminente, et que j’avais atterri sur la mauvaise planète, par un accident de naissance. Sous la surface de ce sentiment de catastrophe imminente, il y avait une autre impression lancinante qui engendrait une anxiété aiguë. D’une façon ou d’une autre, il fallait que je fasse quelque chose de terriblement important, mais je ne savais pas quoi au juste. Il en résultait une lutte incessante qui m’amenait à utiliser mon arsenal d’esquives telles que drogues, sexe et rock ‘n’ roll pour échapper momentanément à l’inconfort ou carrément à la souffrance causée par cette présence constante de toutes ces anxiétés dans ma vie.

Le ravissement transforma tout cela en un inaltérable savoir ininterrompu que non seulement tout est bien, mais qu’également il n’y a nulle part où aller, rien à faire, et que la compréhension est tout. Un autre niveau de ravissement est le doux émerveillement de tout voir, tout percevoir, tout éprouver par les yeux de la Source, frais et neufs. La nature entière, tous les autres humains, tout ce qui est animé et inanimé est même et pure Conscience, devant être accueilli et compris comme tel. Ce qui est – tel que c’est ! Quel délice ! Et étant donné que vous n’êtes plus responsable d’aucune cause ni d’aucun effet, le ravissement vous autorise à jouir de tout ce qui est – tel quel. Pas besoin de changer, de transformer, d’améliorer ou d’éliminer quoi que ce soit. Soyez, simplement, et célébrez ce qui est – tel quel ! Ce qui est éprouvé s’apparente à un constant murmure, ou bourdonnement, de joie. Ce n’est pas la béatitude dysfonctionnelle qui vous transporte à l’occasion, lorsque tout ce que vous êtes capable de faire est de laisser libre cours à vos sanglots de gratitude.

À dire vrai, je me serais attendu à ce que la compassion soit l’expression prédominante de l’éveil et du transport. Après tout, j’avais lu beaucoup de choses sur Bouddha et l’accent qu’il met sur la compassion. Mais en voyant le monde et la condition humaine du point de vue de la Source, tout ce que je vois est ce qui est – tel que c’est, exactement tel que cela est supposé être – pleinement animé, conçu et fonctionnant à l’unisson de la profonde sapience de la Conscience. Ma réaction est donc : « Ah, la vie est si bonne ! » Je vois à présent l’apparente souffrance comme un jeu d’équilibre entre liberté et contrainte, avec lequel la Conscience se distrait Elle-même. Dans la Genèse, il est prêté à Dieu d’avoir dit, après avoir créé le monde : « Toute ma création est bonne. » C’est devenu ma définition de l’amour. Embrasser ce qui est – tel que c’est, car la Conscience est tout ce qu’il y a. Oui, il y a toujours de la sensibilité et de l’empathie pour la souffrance des autres, mais tout n’est pas tel qu’il y paraît. La délivrance devient alors un véhicule pour amplifier l’entendement qui associe la condition humaine souffrante à sa représentation en tant qu’insondable sagesse de la Source.

Dès les premiers moments de l’éveil, le ravissement a engendré une toute nouvelle expérience. Appelons cette sensation « innocence primordiale recouvrée ». Vous avez tous entendu parler de « péché originel ». À mon sens, c’est l’état d’être, conçu par la Source, pour créer la condition humaine. Une part de notre constitution physique comprend un cerveau, ou intellect, dont la fonction en tant que récepteur de la Conscience est de parcourir des données sensorielles, de les analyser instantanément, de les comparer et de proposer des jugements qui rentrent dans le champ des polarités telles que : bien ou mal, acceptable ou inacceptable, amour ou aversion. Ceci par dessein divin, quand bien même tout jugement entraîne une contraction de limitation. Même si vous jugez quelque chose magnifique, le concept « magnifique » n’est pas possible sans que, d’une façon ou d’une autre, sa contrepartie « horrible » ne soit aussi présente. Adam et Ève ont perdu leur innocence originelle et se sont trouvés expulsés du jardin d’Éden quand ils se sont nourris à l’arbre de la connaissance du bien et du mal. En d’autres mots, ils sont passés de leur état virginal de félicité au conflit du péché originel, ayant dès lors à juger chaque pensée. À présent, le processus se trouve à nouveau inversé, et en voyant par les yeux de la Source, en acceptant tout, comme une extension de la Conscience, de ce qui est – tel que c’est, les jugements, les comparaisons et les opinions ne sont plus de mise. Et vous vous sentez comme si un énorme poids avait été ôté de vos épaules et de votre âme. C’est ce que je nomme mon innocence originelle recouvrée, et c’est une partie intégrante du ravissement. Telle est ma définition de la liberté.

Satyam Nadeem « De la prison à l’éveil »


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  1. Loeye’s avatar

    C’est tout à fait ça ;)…
    ravie, volée à Soi même
    voler .. avec des ailes

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